L’Observatoire tunisien de l’économie ( OTE ) a réalisé, en janvier 2020, une étude portant sur l’Inégalité fiscale et économique en Afrique du Nord. Elle repose sur plusieurs méthodes d’études internationales, établies à cet effet, notamment les travaux de World Inequality Database. Ces travaux constituent une précieuse base des données relatives aux inégalités fiscales et économiques en Afrique, en général, et sur la situation dans les pays nord-africains, à savoir le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et l’Egypte, en particulier.
Il faut dire que la persistance récalcitrante de la disparité des revenus joue, depuis longtemps, le rôle d’un vecteur fondamental aux inégalités fiscales et économiques. Dans les pays précités, les données recueillies via les enquêtes sur la population et la consommation ont largement trahi la vulnérabilité des personnes à moyens et à faibles revenus. Cette classe sociale signifie, indirectement, sa fragilité économique à travers le recours à l’endettement aussi bien pour acquérir des biens essentiels que pour subvenir à ses besoins de consommation les plus élémentaires.
La présente étude s’appuie, en effet, sur plusieurs données. Elle prend en compte les modes de gouvernance des pays ciblés, leurs modèles économiques, ainsi que leurs ressources pour examiner les inégalités des revenus, caractéristiques à chaque population. Contrairement à bon nombre de pays à travers le monde, dont la Chine où la classe moyenne détient la grande part des revenus, les pays du Moyen-Orient, eux, consacrent la majorité des revenus à la classe des personnes aisées.
S’agissant de la région nord-africaine, la classe sociale aisée n’accapare pas plus de 50% des revenus nationaux. Celle moyenne détient 35% des moyens nationaux alors que la classe des pauvres, elle, détient entre 15% et 20% desdits revenus. Les données montrent bel et bien une grande disparité des revenus dans cette région. Si l’Algérie s’affiche comme le pays le plus égalitaire, le Maroc, lui, est jugé comme étant le plus inégalitaire en matière de revenus. Force est de constater que, pour l’Algérie comme pour la Tunisie, des démarches équilibrantes ont été constatées en 2014, et ce, en dépit de la stagnation, pour le cas de la Tunisie, des revenus aussi bien de la classe moyenne que celle des riches durant la période d’ajustement structurel postrévolutionnaire.
La Tunisie et l’Algérie : sur la bonne voie
L’inégalité des revenus apparaît dans son aspect le plus exorbitant — car le plus extrême — au Maroc où les 1% des plus riches détiennent plus de 50% des revenus des plus pauvres ! En Algérie, en revanche, la classe des pauvres détient plus de deux fois plus de revenus que les 1% des plus riches. L’étude montre, en outre, que l’inégalité extrême des revenus aussi bien en Tunisie qu’en Algérie a été inversée au profit de la classe des pauvres, et ce, respectivement, en 1992 et en 2002. En Egypte comme en Libye, les inégalités extrêmes n’ont pas remarquablement évolué, maintenant ainsi la supériorité — quoique minime — de la part des pauvres sur celle du 1% des plus riches. Seul le Maroc se caractérise par la supériorité des revenus des plus riches, soit 20% des revenus nationaux contre seulement 14% pour les pauvres.
Fiscalité progressive et protection sociale
Pour réduire ces inégalités, les pays nord-africains ont opté pour deux politiques fiscales et socioéconomiques différentes, à savoir une fiscalité progressive sur les revenus et une politique sociale, axées sur l’amélioration des conditions de vie, notamment la lutte contre le chômage, la garantie de la sécurité sociale, des prestations destinées à la santé publique, etc. Ainsi, et d’après les données relatives à 2019, la politique sociale a réussi son pari pour contribuer à la baisse des inégalités de 63,4%. La politique fiscale, elle, y a contribué de seulement 36,6%. D’ailleurs, et selon une étude réalisée par l’Organisation internationale du travail (OIT), l’Egypte est placée en haut de la liste des pays nord-africains qui misent sur la politique de protection sociale, en lui consacrant pas moins de 10% de son PIB. Notre pays, quant à lui, occupe la 5e place à l’échelle africaine en matière de protection sociale via un portefeuille qui équivaut à 6,2% du PIB.
La présente étude montre, enfin, que seule l’Algérie et la Tunisie optent pour des politiques similaires en matière de réduction des inégalités économiques et fiscales dans la région nord-africaine en tablant sur des politiques fiscales et sociales prometteuses. Pour ce qui est de l’Egypte et du Maroc, ils ont comme dénominateur commun une plus grande inégalité fiscale et économique que les autres pays précités ; une disparité que ces deux pays ne ménagent pas d’effort pour l’atténuer. Seule la Libye est jugée comme étant assez égalitaire.